APPENDIX A AN INTERVIEW WITH EINSTEIN The interview transcribed below was published by François Crucy in Le Petit Parisien, 10 April 1922, pp. 1 and 2. Avant de quitter Paris le professeur Einstein nous dit ses impressions. Samedi soir, au Théâtre-Français. On donne l’Avare et le Jeu de l’Amour et du Hasard. Le professeur Einstein, qui doit se mettre en route quelques heures plus tard, a accepté avec joie la proposition qu’on lui a faite de venir entendre avant son départ Molière et Marivaux. Assis au premier rang d’une loge, le coude appuyé au dossier de sa chaise, la main sou- tenant le menton, il suit l’action attentivement, laissant voir ce désir de comprendre qui, ma- nifesté par lui, constitue une telle leçon! Par moments, en écoutant le dialogue de Marivaux, lorsque le quiproquo produit ses ef- fets les plus saillants, et quand la salle entière—une salle de samedi soir, de laquelle tout snobisme est exclu—lorsque la salle semble exploser sous un coup de gaieté, le célèbre physicien cédant lui-même au rire, qui est peut-être un des signes de son génie, se renverse, mêlant à la joie commune sa gaieté brusquement épanouie. * Le spectacle terminé, nous rejoignons à pied la rive gauche. La pluie a cessé. Vêtu de ce même ample manteau gris, bon pour le froid et pour l’ondée, que je lui vis lorsque je l’aperçus pour la première fois à Berlin, traversant le hall de l’Adlon, où il venait voir Anatole France, le professeur Einstein sort de sa poche une petite pipe, qu’il bourre négligemment. Ses amis, les professeurs Langevin, Pé[r]rin, Borel, marchent devant. Le physicien et moi, nous suivons. Il me parle d’abord du spectacle qui l’a ravi. —Avez-vous remarqué, lui dis-je, comme la salle tout entière était spontanée, ce soir, comme elle riait à pleine gorge, sans contrainte? —Oui! dit-il. Mais j’aimais mieux cela dans la seconde comédie représentée que dans l’Avare. Je ne puis pas rire librement en écoutant Molière. Il y à toujours, dans ses plus grands ouvrages, quelque chose qui est si douloureux!