2 8 D O C U M E N T 9 A P R I L 1 9 2 3 très désireux d’assurer votre collaboration à la Commission de Coopération Intel- lectuelle, je crois n’avoir mis alors aucune insistance excessive à vous presser de revenir à nous. Je comprenais trop bien que la Commission ne pouvait assumer à la légère la responsabilité de troubler le travail d’un homme tel que vous en attirant sur sa personne de graves désagréments. Toutefois, avant mon départ de Berlin, et avec un élan que j’ai admiré sincère- ment, vous m’avez annoncé que vous abandonniez tout projet de retraite. L’œuvre de la Société des Nations, me dites-vous alors, vous tenait si fort au cœur que vous étiez prêt pour elle à accepter certains risques plutôt que de compromettre, par une démission inexpliquée, la tâche de la Commission. A un certain moment même de notre entretien, je me rappelle qu’à ce propos vous fîtes allusion à l’éventualité, à votre retour du Japon, d’un changement de votre résidence pour assurer la paix et la sécurité de votre travail. A la suite de ces conversations, vous avez écrit, à nouveau, le 29 juillet, au Se- crétaire-Général.[7] Vos préparatifs de départ pour le Japon vous empêchant d’as- sister à la première réunion de la Commission de Coopération Intellectuelle, vous déclariez qu’à votre retour votre collaboration serait d’autant plus zêlée qu’il vous faudrait alors, en quelque sorte, rattraper la perte de temps occasionnée par cette absence. C’est par cette lettre amicale que vous avez pris congé de nous à votre dé- part pour l’Extrême-Orient. Notre sympathie vous suivit dans votre long voyage. Nous attendions avec im- patience votre retour et le moment où vous viendriez prendre votre place dans la Commission. Puis, brusquement, le 21 mars, de Zurich, où nous ne savions pas même que vous étiez arrivé, vous nous avez adressé, sans aucun avis préalable, votre démis- sion. Votre lettre n’annonce pas seulement votre retraite de la Commission de Coopé- ration Intellectuelle. C’est une condamnation sans appel de la Société des Nations qui, dites-vous, ne possède ni la force ni la bonne volonté nécessaires pour accom- plir sa tâche et avec laquelle vous refusez, en votre qualité de pacifiste convaincu, d’avoir aucun rapport. Ce jugement, Cher Professeur Einstein, vous l’avez porté sans avoir suivi les tra- vaux de votre Commission, sans avoir assisté à une seule de ses réunions, au retour d’un voyage durant lequel il fut malaisé peut-être de suivre les affaires euro- péennes. Avant que cette lettre ait pu atteindre Genève, elle fut remise aux journaux de Zurich, publiée et ainsi communiquée au monde entier. Cette volte-face soudaine et retentissante aura à coup sûr douloureusement éton- né ceux qui, comme nous, visant à un idéal modeste, réalisable, humain, pour-