246 DOC. 131 DISCUSSION ON RELATIVITY DE PHILOSOPHIE : SEANCE DU 6 AVRIL 1922. 109 rappelant que cette divergence n'a pas trait seulement au fait que, dans la formule de l'intervalle, la variable du temps se trouve pre- cedee d'un signe different de ceux des trois variables spatiales, mais encore, et meme surtout, ä ce fait de l'irreversibilite. Notre illustre invite nous a enjoint lui-meme de considerer, par delä les sym- boles, les realites physiques. Or, c'est ioi une realite au premier chef, car pas plus dans l'empire d'Einstein que dans celui de Newton nous ne marcherons ä reculons ni ne digererons avant d'avoir mange. La seconde question est un peu plus complexe. On represente assez generalement la theorie de la relativite comme etant l'accom- plissement, la concretisation en quelque sorte, du programme trace [23] par Mach. Cela est fort juste ä certains egards, car, en ce qui con- cerne la parfaite relativite des mouvements dans l'espace, Mach a ete en effet un de vos precurseurs authentiques. Vous m'excuserez de rappeler brievement ä mes collegues de la Societe de philoso- phie de quoi il s'agit. Tout le monde connait l'experience du vase tournant de Newton : au debut, c'est-ä-dire alors que la paroi tourne deja avec une grande vitesse, mais qu'elle n'a pas encore communique son mouvement ä l'eau, la surface de celle-ci reste plane alors qu'ensuite le liquide, venant ä tourner ä son tour, s'eleve vers les parois. C'est donc, concluait Newton, que le mouve- ment rotatif est un mouvement absolu, c'est-a-dire que, contraire- ment ä celui qui est cause par l'attraction et qui depend des masses, il depend de l'essence intime de l'espace lui-meme. C'est la ce qu'a conteste Mach. Pour lui, le mouvement de rotation depend egale- ment des masses presentes dans l'espace. Si le mouvement centri- fuge de l'eau est en apparence independant de la rotation des parois, c'est que la masse de celles-ci est relativement infime. Personne ne pourrait dire ce qui arriverait si les parois devenaient de plus en plus massives jusqu'ä atteindre, par exemple, une epaisseur de [24] plusieurs kilometres. C'est sur ce point que la theorie de M. Ein- stein a precise la conception de Mach. En effet, ici gravitation et mouvement inertial, au lieu d'etre entierement separes, comme chez Newton, se trouvent au contraire intimement combines, et l'on arrive ä calculer quelles seraient les masses qu'il faudrait mouvoir autour d'un corps pour provoquer chez lui des manifestations d'une force centrifuge perceptible ä nos instruments de mesure. Mais cet aspect de la theorie de Mach, pour si hautement inte- ressant qu'il soit, n'est point son aspect principal, et si l'on entend qualifier l'ensemble des conceptions de ce penseur de relativistes, c'est en pensant ä tout autre chose qu'ä la relativite de l'espace. Mach est, en effet, avant tout un continuateur d'Auguste Comte.