240 DOC. 131 DISCUSSION ON RELATIVITY DE PHILOSOPHIE : SEANCE DU 6 AVRIL 1922. 103 le probleme qui m'interesse specialement, celui du temps. Et puis- qu'il ne faudrait pas parler du temps sans tenir compte de l'heure, et que l'heure est avancee, je me bornerai ä des indications som- maires sur un ou deux points. Force me sera bien de laisser de cöte l'essentiel. Le sens commun croit ä un temps unique, le meme pour tous les etres et pour toutes choses. D'oü vient sa croyance? Chacun de nous se sent durer : cette duree est l'ecoulement meme, continu et indivise, de notre vie interieure. Mais notre vie interieure comprend des perceptions, et ces perceptions nous semblent faire partie tout ä la fois de nous-memes et des choses. Nous etendons ainsi notre duree ä notre entourage materiel immediat. Comme, d'ailleurs, cet entourage est lui-meme entoure, et ainsi de suite indefiniment, il n'y a pas de raison, pensons-nous, pour que notre duree ne soit pas aussi bien la duree de toutes choses. Tel est le raisonnement que chacun de nous esquisse vaguement, je dirais presque inconsciem- ment. Quand nous l'amenons ä un degre superieur de clarte et de precision, nous nous representons, au delä de ce qu'on pourrait appeler l'horizon de notre perception exterieure, une conscience dont le champ de perception empieterait sur le notre, puis, au delä de cette conscience et de son champ de perception, une autre conscience situee d'une maniere analogue par rapport ä elle, et ainsi de suite encore, indefiniment. Toutes ces consciences, etant des consciences humaines, nous paraissent vivre la meme duree. Toutes leurs expe- riences exterieures se derouleraient ainsi dans le meme temps. Et comme toutes ces experiences, empietant les unes sur les autres, ont, deux ä deux, une partie commune, nous finissons par nous representer une experience unique, occupant un temps unique. Des lors nous pouvons, si nous le voulons, eliminer les consciences humaines que nous avions disposees de loin en loin comme autant de relais pour le mouvement de notre pensee : il n'y a plus que le temps impersonnel s'ecoulent toutes choses. Voilä le meme raisonnement sous une forme plus precise. Que nous restions, d'ail- leurs, dans le vague ou que nous cherchions la precision, dans les deux cas l'idee d'un temps universel, commun aux consciences et aux choses, est une simple hypothese. Mais c'est une hypothese que je crois fondee, et qui, ä mon sens, n'a rien d'incompatible avec la theorie de la Relativite. Je ne puis entreprendre la demonstration de ce point. Il faudrait d'abord etudier beaucoup plus minutieusement que je ne viens de le faire la duree reelle et le temps mesurable. Il faudrait ensuite prendre un ä un les termes qui entrent dans les formules de Lorentz et en chercher la signification concrete. On trouverait ainsi que les
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