DOC. 131 DISCUSSION ON RELATIVITY 241 104 [M. Bergson.] bulletin de la societe franqaise temps multiples dont il est question dans la theorie de la Relati- vite sont loin de pouvoir tous pretendre au meme degre de realite. A mesure qu'on avancerait dans cette etude, on verrait comment la conception relativiste, qui correspond au point de vue de la science, et la conception du sens commun, qui traduit en gros les donnees de l'intuition ou de la conscience, se completent et se pretent un mutuel appui. Il est vrai qu'il faudrait, chemin faisant, dissiper une confusion tres grave, ä laquelle certaines interpreta- tions couramment acceptees de la theorie relativiste doivent leur forme paradoxale. Tout cela nous entrainerait trop loin. Mais ce que je ne puis etablir pour le temps en general, je vous demande la permission de le faire tout au moins entrevoir pour le cas particulier de la simultaneite. Ici l'on apercevra sans peine que le point de vue relativiste n'exclut pas le point de vue intuitif, et l'implique meme necessairement. Qu'entend-on d'ordinaire par simultaneite de deux evenements? Je considererai, pour simplifier, le cas de deux evenements qui ne dureraient pas, qui ne seraient pas eux-memes des flux. Ceci pose, il est evident que simultaneite implique deux choses : 1° une per- ception instantanee 2° la possibilite, pour notre attention, de se partager sans se diviser. J'ouvre les yeux pour un moment : je percois deux eclairs instantanes partant de deux points. Je les dis simultanes parce qu'ils sont un et deux tout ä la fois : un, en tant que mon acte d'attention est indivisible, deux en tant que mon attention se repartit cependant entre eux et se dedouble sans se scinder. Comment l'acte d'attention peut-il etre un ou plusieurs ä volonte, tout d'un coup et tout ä la fois? Comment une oreille exercee percoit-elle ä chaque instant le son global donne par l'orchestre et demele-t-elle pourtant, s'il lui plait, les notes donnees par deux ou plusieurs instruments? Je ne me charge pas de l'ex- pliquer c'est un des mysteres de la vie psychologique. Je le cons- tate simplement et je fais remarquer qu'en declarant simultanees les notes donnees par plusieurs instruments nous exprimons : 1° que nous avons une perception instantanee de l'ensemble 2° que cet ensemble, indivisible si nous voulons, est divisible, si nous le voulons, aussi : il y a une perception unique, et il y en a nean- moins plusieurs. Telle est la simultaneite, au sens courant du mot. Elle est donnee intuitivement. Et elle est absolue, en ce qu'elle ne depend d'aucune convention mathematique, d'aucune operation physique telle qu'un reglage d'horloges. Elle n'est jamais consta- table, je le reconnais, qu'entre evenements voisins. Mais le sens commun n'hesite pas ä l'etendre ä des evenements aussi eloignes qu'on voudra l'un de l'autre. C'est qu'il se dit, instinctivement, que